Les fouilles de la basilique Saint Pierre

Le but  était avant tout de retrouver les traces du passage de Pierre à Rome. Il fallait pour cela confirmer l’existence de son culte, et plus particulièrement de son culte funéraire à Rome que la tradition depuis, et même avant Constantin, plaçait sous la place actuelle de Saint Pierre.

C’est l’Église elle-même qui a organisé ces fouilles: pour légitimer l’importance de Rome il fallait prouver l’existence de Pierre dans la ville. En 1939, le pape Pie XII met en place toute une équipe d’archéologues allemands et italiens.

Ces spécialistes ont été amenés à travailler dans trois directions différentes :

  • trouver les restes du cirque de Caligula (car c’est au sein de ce cirque qu’a eu lieu le martyre de saint Pierre)
  • vérifier la présence de la nécropole (dont on connaissait les vestiges par des découvertes anciennes et dont on avait perdu la trace)
  • trouver les restes de la basilique de Constantin (détruite définitivement au 16e siècle)

Les fouilles furent longues à réaliser car les conditions étaient difficiles: de fortes contraintes s’exercent sur le sol de saint Pierre et il a fallut tenir compte de la masse énorme de la basilique actuelle, pour ne pas prendre le risque de la fragiliser en creusant.

Les archéologues ont pensé que les fondations de la basilique constantinienne reposaient directement sur les fondations du cirque de Caligula (superposition des deux monuments). Mais les fouilles ont montré au contraire que la basilique de Constantin ne coïncide pas tout à fait avec l’axe du grand cirque dont on a retrouvé les restes. Ces fouilles ont également permis la confirmation de l’existence d’une nécropole qui était venue s’adosser à un des murs latéraux du cirque; des restes de la première basilique  ont même été découverts. Du point de vue des résultats scientifiques, cette fouille a donc été une grande réussite: tous les objectifs définis ont parfaitement été remplis.

Une vingtaine de mausolées ont été retrouvés au sein de la nécropole. Cette zone funéraire était organisée selon une voie qui permettait la circulation et qui, parallèle à l’orientation du cirque de Caligula, divisait la nécropole en deux rangées (de part et d’autre de cette voie).  La chronologie de l’ensemble ce lieu funéraire s’étale de la seconde moitié du 1er siècle jusqu’au 4ème siècle de notre ère. Elle a ensuite été volontairement abandonnée car c’est là que sera construite la grande basilique de Constantin. Même si cette nécropole était essentiellement païenne, on y a retrouvé des traces de présences chrétiennes (des graffitis retrouvés sur les murs de certains mausolées).

CircusofNero-ruin-bwA la fin du 3ème siècle, c’est le cirque de Caligula qui est désaffecté: en effet les archéologues ont retrouvé une tombe qui chevauche la spina de l’hippodrome. Ce secteur va être bouleversé:  des terrassements gigantesques ont lieu afin d’implanter la basilique. Une grande partie de la colline vaticane va être réduite, et ce qu’il en reste aujourd’hui n’est qu’un témoin ridicule de ce qu’elle a pu être par le passé. On parle ici d’environ 43 000 mètres cubes de terre déplacée. En déplaçant toute cette terre, on a également oblitéré la nécropole qui se trouvait là (ce qui a permis par la même occasion de la protéger et de la préserver jusqu’à nous).

La basilique aurait pu être implantée à un endroit plus propice, nécessitant moins d’aménagements. Or il se trouve qu’une seule tombe a été conservée lors de la construction tandis que toutes les autres ont été recouvertes. Les travaux ont commencé en l’an 322; la basilique est érigée dans le cadre de la construction de grands sites chrétiens en rapport avec la vie du Christ. Cette basilique a donc été construite pour mettre en évidence le témoignage d’un évènement chrétien important. Juste avant la création de la basilique, le lieu avait déjà fait l’objet d’aménagements par Constantin: vers 315, au lendemain de la proclamation de l’édit de Milan, une tombe particulière en marbre avait été aménagée, entourée d’un grand caisson.

zone P

La ruelle de la nécropole mène tout droit dans un cul de sac, aussi appelé « champ P » ou « zone P » par les archéologues. Cette zone a la particularité de ne pas être un mausolée mais un enclos funéraire, le seul de cette nécropole. Toute la construction de Constantin a été faite en fonction de ce champ P. Dans cette zone, une tombe fait l’objet d’une attention particulière. Elle est datée du 1er siècle après J.-C., se trouve en position centrale et champ Pd’autres tombes sont venues se placer à proximité. Au 3ème siècle, le champ P est toujours fréquenté, mais subit des dommages et il faut de nouveau renforcer la structures. Une niche est aménagée dans un mur à proximité de la tombe centrale (niche surement destinée à recevoir des ossements). Les archéologues ont émis l’hypothèse que cette niche avait été aménagée à un moment où les invasions du 3ème siècle ont affectées les nécropoles (et donc qu’on aurait construit cette niche pour préserver ces ossements en particulier).

Les os attribués à Pierre

Les os attribués à Pierre

L’affaire de la « découverte de la tombe de Pierre »  connait un nouveau rebondissement avec l’intervention de l’archéologue Margherita Guarducci, spécialiste des inscriptions. Elle découvre dans les archives du Vatican deux petites boîtes comprenant des ossements et portant des étiquettes mentionnant la fameuse niche du champ P. Des analyses de ces ossements ont été effectuées entre les années 1956 et 1963. Les résultats ont été divulgués en 1965 et font l’effet d’une bombe. Les os appartiendraient à trois individus différents: une femme, un homme et des restes d’animaux, le tout mêlé à de la terre et à des fragments de tissus teintés. Les ossements humains de l’homme sont ceux d’un individu âgé d’environ 50 à 70 ans (l’âge concorde donc avec l’estimation de l’âge de Pierre à sa mort, même si rien n’est certain). Toutefois, la scientifique M. Guarducci a affirmé qu’il s’agissait de saint Pierre: selon elle, la terre retrouvée dans la boîte serait la même que celle retrouvée au niveau du champ P. De plus, les fragments de tissus ne pouvaient, d’après elle, qu’envelopper les reste d’un personnage illustre. Elle s’appuie aussi sur les nombreux graffitis mentionnant le nom de Pierre (mais qui ne sont pas datables de façon absolue et remontent surement à après le 3ème siècle). Margherita Guarducci, très croyante, ne voulut jamais formuler d’autre hypothèse et répondit toujours de façon très virulente aux reproches qui avaient pu lui être faits.

Jérôme Carcopino

Jérôme Carcopino

Cette polémique a fait de ce sujet une affaire presque taboue. Margherita Guarducci s’est opposée à la très grande majorité de spécialistes et hommes d’Église, qui ont préféré adopter une attitude de prudence. Son plus grand détracteur reste l’archéologue français Jérôme Carcopino: ils se livreront une véritable guerre par médias interposés.

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